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De le terre à la Terre

la multitude singulière de Pascale Coutant

Vus de loin, vus de haut, ils semblent une foule calme qui chemine minuscule, dans un paysage surdimensionné…
Une masse fluide, qui épouse le relief, et avance à son rythme 
vers un pays possible.

Et lorsque l'on s'approche, que l'on se penche, qu'on s'agenouille pour mieux voir, on est frappé par
la présence singulière de chacune de ces statuettes de terre cuite.

Leur corps et leur visage, marqués et burinés par l'expérience du monde, ils n'ont d'autre expression
que celle de leur présence, intense et calme…

Chacun d'eux, chacune d'elles est unique et affirme, par son regard direct, son existence singulière
et l'épaisseur de son expérience du monde. 
Son expérience de la terre et du feu.

Pascale Coutant connaît intimement le travail de la terre.

Pendant près de 10 ans, elle l'a travaillée dans les jardins de Paris.

Elle a fait l'expérience concrète de sa fertilité, de sa délicatesse et de sa rudesse au jour le jour,
et en toute saison.

Le monde végétal ne s'agite pas, pousse sans pousser de cri, ni faire aucun bruit.

Sa présence n'en est pas moins évidente, vaste et touffue.

Croissance et verticalité tendue tout à la fois vers le cosmos et vers le centre de la terre, 
il 
est ce règne qui transforme silencieusement les rayons cosmiques en oxygène et en humus,
celui qui est à l'origine de toute vie sur notre planète.

On le sait, on l'oublie, on l'ignore. On s'agite et l'on crie.

Ces années-là, Pascale Coutant a également fait l'expérience de l'invisibilité du travailleur manuel,
de l'ouvrier des plantes.

On admire les parcs, leurs grands arbres et leurs bosquets chatoyants, tout en ignorant souverainement
les hommes et les femmes qui de leurs mains leur donnent la vie et les 
soignent.

Et puis, par nécessité et par le jeu des rencontres, son travail a changé.

Ses mains donnaient vie à la terre et elles ont commencé à la modeler, à en faire émerger des figures connues et inconnues. Des êtres vivants verticaux et silencieux.

Perdus et debout, invisibles et solides tout à la fois.

Elle a appris comment l'épreuve du feu leur donnait des couleurs et leur permettait de durer, d'inscrire
leur présence dans le temps.

De là est né ce petit peuple de voyageurs.

S'il y a quelque chose du santon provençal dans son travail, c'est par le soin que les artisans mettaient
à représenter le petit monde d'alors dans leurs créations : La mise en 
scène de la crèche de Noël
était un prétexte à mettre en scène tous les personnages du 
village, tous les métiers et les fonctions sociales de l'époque. Non sans dérision, on y retrouvait le notaire et le boucher, la bergère et le militaire, le montreur d'ours et la courtisane.

Tout un ordre social miniature, coloré et joyeux.

Un ordre disparu, qui fait de ces objets un témoignage nostalgique d'un monde évaporé.

L'épreuve du feu, les figurines de Pascale Coutant l'on vécu.

Ici, pas de rois mages, pas de boulangères joufflues ou de joueurs de pétanque : ils sont apatrides,
sans nom et sans papiers, en errance, issus de la terre et du feu, ils 
sont à la recherche d'une terre
qui ne soit pas brûlée.

D'un possible espace à vivre, d'un lieu où s'enraciner.

Ils avancent en silence, dans l'affirmation de leur être-debout.

L'ordre est rompu donc à venir.

Ils nous parlent de nous avec leurs regards de terre et leur silence.

De nos exils.

Ils nous saisissent et nous marquent.

Ils nous parlent du monde tel qu'il va, et où il nous mène encore.

Leur empreinte est indélébile.

Ils sont la puissance du petit et de la multitude singulière.

Ils nous donnent de la force.

Nous en aurons besoin.

Luc de Banville, août 2018

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